mercredi 13 avril 2016

Être non-binaire, qu'est-ce que ça veut dire ?



























(Cet adorable faon est non-binaire et iel aime pas trop trop la négation de son identité).

(Si c'est la première fois que vous tombez sur le terme "non-binaire", ou si vous n'êtes pas familièr-e avec la notion de genre / identité de genre, je vous conseille de lire cet article pour commencer).


La binarité, c'est quoi déjà ?

Pour comprendre ce qu'est la non-binarité, il me semble qu'il faut déjà savoir ce qu'est la binarité. Que nous dit le Larousse (oui, encore lui) à ce sujet ? 



Binaire : qui met en jeu deux éléments.


Voilà. En terme de genre, c'est facile : d'après ce que la société nous dit, il y a d'un côté les hommes, de l'autre les femmes. Hop, ça fait deux. Nous sommes donc dans un système de genre qu'on peut qualifier de binaire

Dans ce contexte, la binarité, c'est l'ensemble des choses (actions, paroles, idées) qui contribuent à renforcer l'idée qu'il y a deux genres bien distincts, pas plus, et que cette division est inscrite dans la nature. Or, petit rappel : le genre n'est pas biologique. Il s'agit d'une construction sociale, qui attribue des rôles spécifiques (par exemple : la maternité ou l'autorité) aux personnes en fonction du sexe qu'on leur a assigné (l'assignation, c'est quand le personnel médical dit "c'est une fille" ou "c'est un garçon" au sujet d'un bébé qui vient de naître). On comprend donc que les organes génitaux ne sont pas en soi "masculins" ou "féminins". Rien dans la nature ne nous dit cela : c'est la société qui le dit


Et mon avis dans tout ça ?

En fait, avoir des organes génitaux dits "féminins" ne me prédispose pas à me sentir "femme". Pour cela, il faudrait que j'adhère au discours que la société tient sur mon corps et sur mon identité... mais cette adhésion ne va pas de soi. Ce n'est pas parce qu'on vous répète, depuis tout-e petit-e, que les choux de Bruxelles sont délicieux, que vous allez automatiquement penser que les choux de Bruxelles sont délicieux. Ça joue beaucoup, certes, et cela vous influencera sans doute. Peut-être même que vous allez spontanément trouver que les choux de Bruxelles sont excellents, et vous n'aurez pas besoin que votre entourage insiste là-dessus. Mais peut-être aussi que l'inverse se produira. Au fond de vous, vous saurez que les choux de Bruxelles sont en vérité dégueulasses. Ou alors vous aurez le sentiment profond de ne pas être le type de personne qui aime les choux de Bruxelles. Dans les deux cas c'est comme ça, et puis c'est tout. C'est un sentiment qui ne s'explique pas vraiment, mais qui contribue à faire de vous quelqu'un d'unique. Tenter de vous faire changer d'avis, ce serait un peu tenter de changer qui vous êtes. L'identité de genre, c'est pareil : il s'agit d'un ressenti qui ne s'explique pas vraiment, mais qui contribue à faire de vous qui vous êtes. 


Et la non-binarité, alors ?

Maintenant, pour comprendre ce qu'est la non-binarité en particulier, continuons avec le parallèle des choux de Bruxelles. Imaginez que globalement vous les aimez bien, mais honnêtement c'est vraiment meilleur quand il y a beaucoup assaisonnement. Ou alors vous les détestez de façon générale , sauf quand ils sont préparés en gratin. Ou bien : votre appréciation des choux de Bruxelles dépend vraiment de la saison et du contexte. Ou encore : vous n'avez aucun avis sur les choux de Bruxelles. Mangeables  ou pas mangeables, ce débat ne vous intéresse absolument pas ou vous semble peu important. Là aussi l'identité de genre, c'est pareil : il existe bien plus de deux ressentis possibles (être un homme OU être une femme / adorer les choux de Bruxelles OU les détester) dans ce domaine. Certain-e-s se sentent homme, certain-e-s se sentent femme, d'autres se sentent parfois homme parfois femme, et d'autres encore ne se sentent ni l'un ni l'autre. 

Ceci n'est qu'un aperçu de ce que peut-être la non-binarité. Un ressenti est par définition personnel, il serait donc très étonnant qu'il en existe deux qui soient parfaitement identiques. En vérité le spectre des identités de genre est vaste et il existe une infinité de manières de s'y positionner. Il est ainsi possible d'être genderfluid (genre fluide), demifille, demigarçon, agenre, genderqueer, bigenre, pangenre, intergenre... Vous pouvez consulter ce lexique des genres non-binaires pour vous faire une petite idée de ce qui peut exister !

Pour résumer : être non-binaire, c'est faire l'expérience d'une identité de genre qui échappe à notre système binaire de genre. Celui-là même qui dit qu'il n'y a que deux possibilités, être un homme ou être une femme... Désormais vous savez que c'est faux, et ça, c'est cool.

Là c'est le moment où je vous ressors mon infographie faite avec amour pour résumer le tout (cliquer ici pour l'afficher dans sa taille originale) :




































Quelques précisions :
  • Une personne intersexe n'est pas non-binaire par essence ! Elle le sera uniquement si son identité de genre est non-binaire (elle ne se sent ni homme ni femme).
  • Parfois, une personne non-binaire peut se sentir uniquement homme ou uniquement femme, mais c'est un sentiment qu'elle sait être temporaire, voué à changer ou à se nuancer. Cela peut être le cas par exemple des personnes bigenres ou demi-binaires (voir lexique). Ces personnes peuvent continuer de se considérer comme non-binaires même pendant ces périodes.
  • Tout comme on peut changer d'opinion sur les choux de Bruxelles au cours de sa vie, l'identité de genre peut être vécue comme fluide. C'est-à-dire qu'elle varie en fonction des contextes, de divers facteurs, ou au fil du temps (parfois de façon très rapprochée ou de façon plus espacée).
  • Certaines personnes peuvent se considérer comme binaires à certains moments, et non-binaires à d'autres moments. Il est par exemple possible d'être une femme (identité de genre binaire) pendant de nombreuses années, puis de se sentir agenre (identité de genre non-binaire) pendant plusieurs mois, avant de se sentir de nouveau femme, etc.
  • Il est possible d'être non-binaire en ayant un prénom socialement considéré comme féminin ou masculin, en utilisant des pronoms et des accords dits féminins ou masculins, en ayant une apparence socialement perçue comme féminine ou masculine, etc. 
  • La non-binarité fait partie des transidentités. Une identité est dite trans lorsqu'elle ne concorde pas avec l'assignation de naissance (le fameux "c'est une fille" ou "c'est un garçon").
  • Certaines personnes non-binaires peuvent choisir de prendre des hormones et/ou de passer par des opérations chirurgicales et/ou de faire une demande de changement d'état civil, d'autres non. Il n'y a pas de règle en la matière. 
  • La non-binarité n'est pas une "invention récente" : elle a toujours existé. Par ailleurs, toutes les cultures sont loin de fonctionner selon un système binaire de genre. Au sein même des sociétés occidentales, la binarité ne s'est pas toujours déployée de la même manière ni avec la même intensité. Il faut garder à l'esprit que l'histoire de la binarité ne peut pas s'étudier sans s'intéresser à son imbrication avec racisme et colonialisme.

/!\ De nombreux points mériteraient d'être nuancés dans cet article mais j'ai tenté de faire au plus simple en partant du principe qu'il s'adressait aux non-initié-e-s (en tout cas je l'espère). Vous êtes libres d'apporter des précisions ou des corrections dans les commentaires ! Si je n'ai pas été assez clair-e n'hésitez pas à poser vos questions :).



Pour aller plus loin :

La non-binarité, quoi qu'est-ce ? - L'écho des sorcières
La binarité - trolldejardin
Guide des genres - troll de jardin
Dessin de Sail and steam

Gazouillis :

Gazouiller :