mercredi 6 avril 2016

Qu'est-ce que le genre ?
























Pour répondre à cette question, penchons-nous d'abord sur la définition du Larousse :
Ensemble de traits communs à des êtres ou à des choses caractérisant un type, un groupe, un ensemble : sorte, espèce.

Par curiosité, jetons aussi un œil sur la définition de "sexe" :


Caractère physique permanent de l'individu humain, animal ou végétal, permettant de distinguer, dans chaque espèce, des individus mâles et des individus femelles ; ensemble de ces individus mâles ou femelles.

Pour le Larousse, c'est donc plutôt simple : il existe deux catégories d'humains dans lesquels on range les individus qui partagent un trait commun d'ordre biologique : ce fameux "caractère physique permanent". Le genre renvoie ici à la sorte d'individu humain que nous sommes : soit mâle, soit femelle. En somme, les deux termes se recoupent : notre genre, c'est notre sexe. 

Tout aurait pu s'arrêter ici, à la limite. D'un côté les personnes à vulve, de l'autre les personnes à pénis, et pouf, nous voilà bien rangé-e-s.

Buarf, c'est tout ?

Oui mais non... En tant que société, nous n'avons pas attendu le Larousse pour ajouter d'autres critères à ce "caractère physique permanent" : ainsi les femmes sont douces, coquettes, douées pour faire le ménage et pour s'occuper des enfants. Les hommes, eux, sont forts, autoritaires et doués pour prendre des décisions rationnelles. (et tiens, tant qu'à faire, décidons aussi une bonne fois pour toutes que les hommes sont meilleurs que les femmes et que ces dernières doivent leur être soumises, comme ça c'est plus simple !). 

Ces critères supplémentaires ne sont pas des options mais ont vraiment valeur de définition. C'est pourquoi Cristina Cordula se sent totalement légitime lorsqu'elle dit d'une femme qu'elle a "perdu sa féminité" et qu'elle n'est "pas une vraie femme" parce qu'elle ne se maquille pas, qu'elle ne porte pas de talons, qu'elle n'a pas la bonne coupe de cheveux. Hé, mais c'est que ça devient compliqué, tout ça ! 

Ajoutons à cela le fait que généralement, nous classons spontanément les individus dans les catégories "homme" ou "femme" sans nous baser sur des données biologiques. Au quotidien, les personnes que je rencontre pour la première fois m'appellent "madame" ou "mademoiselle" sans avoir jamais vu mes organes génitaux ni rien connaître de mes taux hormonaux ou encore mon caryotype. Ces gens me placent du côté des femmes parce que je suis maquillé-e, parce que je porte une robe, parce que je suis petit-e, parce que j'ai un visage fin ou encore parce que ma voix ne porte pas beaucoup. Pourtant, toutes les femmes sont loin de rassembler tous ces critères !

Par ailleurs, il est faux de penser que la division binaire des sexes (le sexe "masculin" d'un côté, le sexe "féminin" de l'autre, et entre les deux points de salut) est une évidence. Ce serait nier l'existence des personnes intersexes et omettre de prendre en compte les évolutions scientifiques sur le sujet.

En fait, le genre est lié à un système de représentations (les hommes sont comme ceci, la femmes sont comme cela) et d'injonctions (les homme doivent faire ceci, les femmes doivent faire cela). Tout individu qui déroge à la règle met par ailleurs ce système bien rôdé (qui attribue des rôles spécifiques aux individus et organise la société) en péril. Ces valeurs et ces critères (que l'on peut qualifier de normes) sont bien évidemment culturels : c'est pour cela qu'on (on= les personnes qui étudient le genre) dit que le genre est une construction sociale. D'une société à une autre, le rapport au genre peut donc être très différent (et en la matière, les exemples ne manquent vraiment pas). D'ailleurs, au sein d'une même société, les normes de genre ne cessent de varier au fil du temps ! Ainsi il n'y a pas si longtemps, le rose était associé aux garçons et le bleu aux filles...

Pour récapituler :

  • Le genre est une donnée sociale et culturelle, et non pas biologique
  • Il existe un ordre du genre qui implique une hiérarchie entre les genres et attribue des rôles spécifiques aux individus
  • Le genre peut-être un outil d'analyse sociologique, historique, politique, féministe...

Mais du coup le genre, ça n'existe pas ?

Bien sûr que si ! Même en sachant tout cela, nous ne pouvons pas nier que le genre joue un rôle important dans notre construction en tant que personnes. Il marque l'éducation que nous recevons dans notre enfance et infiltre tous les domaines de la société. Nous sommes forcément façonné-e-s, d'une manière ou d'une autre, par nos représentations genrées. 

Mais prendre conscience de tout cela, c'est réaliser que les identités trans (trans = donc le genre ne correspond pas à celui assigné à la naissance) sont tout aussi légitimes que les identités cis (cis= dont le genre correspond à celui assigné à la naissance). Les femmes trans ne sont pas moins des femmes que les femmes cis, de même que les hommes trans ne sont pas moins des hommes que les hommes cis. C'est également comprendre que l'hétérosexualité est-elle aussi une donnée culturelle. Qu'elle soit érigée comme norme n'a rien de naturel et participe à renforcer l'ordre du genre. Enfin, c'est savoir que la division binaire des genres / des sexes est elle-même une construction sociale.

Sachant tout cela, nous pouvons par ailleurs mieux comprendre ce qu'est l'identité de genre. Il s'agit d'une manière de se positionner dans notre système de représentations, mais c'est avant tout une question de ressenti. C'est le sentiment profond d'être de tel ou tel genre, ou bien le sentiment de n'être d'aucun genre, ou encore le sentiment de naviguer entre plusieurs genres. Le spectre des identités de genre n'a en fait pas de limite, puisque rien n'est gravé dans le marbre. Un sentiment peut fluctuer, s'intensifier, s'atténuer... Chaque individu devrait posséder le droit absolu de déterminer quelle est sa propre identité de genre, de même que le droit absolu de se questionner, de douter, d'évoluer, de changer, de ne pas savoir. En matière d'identité de genre, personne ne devrait avoir à rendre de compte à qui que ce soit : il s'agit d'un cheminement profondément personnel. 

Comme je suis sympa, je vous ai fait une infographie pour résumer (cliquer ici pour l'afficher dans sa taille originale) :

































/!\ De nombreux points mériteraient d'être nuancés dans cet article mais j'ai tenté de faire au plus simple en partant du principe qu'il s'adressait aux non-initié-e-s (en tout cas je l'espère). Vous êtes libres d'apporter des précisions ou des corrections dans les commentaires ! Si je n'ai pas été assez clair-e n'hésitez pas à poser vos questions :).

Sources / Pour aller plus loin :

Qu'est-ce que le genre ? GenERE-Genre : épistémologie et recherches

Gazouillis :

Gazouiller :